vendredi 8 novembre 2013

Une analyse métaphorique de Gravity

On a beaucoup parlé des effets spéciaux et de la mise en scène de Gravity, j'aimerais de mon côté évoquer l'aspect métaphorique. Comme souvent dans ce genre d'analyse, j'ai bien conscience que certains aspects pourront sembler tirer par les cheveux, d'autres en revanche sont d'une limpidité indubitable. De plus une analyse métaphorique n'est pas toujours parfaitement chronologique, ne vous étonnez donc pas si certains symbôles se retrouvent disséminés dans le désordre parfois. Attention, il faut avoir vu le film pour lire cet article.

Depuis sa sortie, on compare énormément Gravity à 2001. Evidemment, les deux films partagent la même thématique du voyage dans l'Espace traité sous l'angle "réaliste". Mais au delà du thème de l'Espace, c'est avant tout dans les deux cas l'histoire d'une renaissance dont il s'agit. Dans 2001, on évoque la renaissance de l'humanité vers une forme de vie supérieure (je vous laisse chercher les analyses), dans Gravity au contraire tout se passe à l'échelle d'un seul personnage, Ryan.

Le thème de la naissance est présent dans tous les grands mythes et on verra en fait comment le film incorpore des élèments oedipiens, du Boudhisme et de l'Hindhouisme ; Ryan étant à la fois Oedipe et Boudha. Contrairement à ce que j'ai pu lire à droite et à gauche, je ne pense pas que le film est féministe. Certes l'héroïne est une femme - et quelle femme! - mais nous ne sommes pas dans le récit d'un être qui se libère du carcan féminin que lui impose la société pour s'émanciper. En ce sens, Titanic par exemple est selon moi bien plus féministe que Gravity. En revanche, il y a clairement originalité dans l'inversion des genres traditionnellement alloués aux personnages. Ainsi, Ryan est une Oedipe ou Boudha métaphorique ( rôle dévolu traditionnellement à des hommes donc) et l'archétype maternel est présent mais pas forcément là où on l'attend.

Contexte

Ryan travaille dans un hôpital, on se doute qu'elle travaille énormément ; "que faites vous après une garde de 18H00?" lui dit Kowalsky. Elle a perdu sa fille et s'en veut sans doute beaucoup dans cette perte. On en sait peu, mais il semble naturelle que ce soit une femme brisée qui n'a plus grand chose à perdre. Pour moi, elle est déjà morte au début du film, n'est-elle pas dans les cieux se déplaçant tel un ange?

Oedipe et les archétypes parentaux


Pluie de spermatozoïdes celestes
La métaphore oedipienne est sans doute celle qui nous parle le plus tant elle est râbachée dans nos sociétés. De plus, elle est profondément liée à la partie purement physiologique de la naissance. L'archétype paternel incarne ici autorité, ineluctabilité et violence contre laquelle Ryan doit se rebeller. Vous ne devinez pas? Le père dans Gravity c'est la catastrophe ; ce sont les débris qui fécondent littéralement Ryan. Personnellement, je n'ai pu m'empêcher de voir ces petits débris comme autant de spermatozoïdes. La catastrophe est éminemment pénétratrice et Ryan n'a de cesse de lutter contre ce père au caractère presque divin. En ce sens, elle revêt des aspects de figure christique.
La mère au contraire - et c'est ce que j'ai beaucoup aimé - est en réalité...George Clooney! Il en faut du culot pour faire de cet incarnation de la virilité un symbole maternel, c'est pourtant le cas pour de nombreuses raisons :

  • Il parle sans cesse et sa voix berce le film. Il chante des chansons ( berceuses) et raconte des histoires.
  • Le fil qui relit les deux protagonistes est le symbole manifeste du cordon ombilical que doit couper Ryan.
  • Ils ont les même yeux. (pas bleus mais marrons)
  • Au moment où Ryan est en larme, c'est Kowaslsky qui vient miraculeusement la consoler. (même si c'est une vision).
  • Le léger flirt entre Kowalsky et Ryan n'est pas une contradiction et s'inscrit au contraire dans l'inceste oedipien.
Cordon ombilical
Ainsi, Ryan est bel est bien un enfant. Il n'y a qu'à voir comment elle crie et est désemparée par la solitude au cours du film. Elle appelle sans cesse à l'aide sa mère métaphorique. Ryan passe ainsi par plusieurs stades au cours du film.

  1. Foetus. Cette scène est la plus limpide et si mon analyse peut être surfaite par moment, ce plan ne laisse aucun doute quant à l'intention du réalisateur.
  2. Babillage et pleurs. Dans la cabine, Ryan expériemente la communication, elle n'a pas encore acquis la parole et ne peut s'exprimer tel un chien que par aboiement. Elle sera consolée par l'arrivée de Kowalsky.
  3. Accouchement : La fin du film est évidemment un accouchement. Ryan s'extirpe du placenta, a sa première bouffée d'oxygène naturel et rampe au sol, d'abord à 4 pattes puis sur ses deux jambes. Elle est enfin un être humain à part entière.

Position Foetale
Notons que la fin du film peut également être vu comme une métaphore sur l'Evolution en général. Ryan sort de son oeuf puis passe de l'état aquatique, amphibie, quadripède et finalement bipède. Le plan insistant sur la grenouille, animal amphibie par excellence est ainsi révélateur.


Une grenouille
Métaphore boudhiste et hindou

L'évocation des deux religions indiennes est moins présente mais plus explicite. Clooney s'exclame à un moment,  "je vois le Gange, c'est magnifique". Rappelons que le Gange est le fleuve sacré dans l'hindouisme. Il purifie les croyants et c'est dans le Gange qu'on répand les cendres de la crémation. de plus, alors qu'elle est dans la capsule chinoise, Cuaron nous propose un gros plan sur une statue de Boudha. Ces deux exemples sont bien trop déconnectés du récit pour n'être que le fait du hasard. 
En effet, au delà de la métaphore de naissance que j'ai évoquée, c'est d'abord une RE-naissance. Pour accèder à une nouvelle humanité, Ryan doit tel Boudha accepter et etre en paix avec ses souffrances passées (la perte de sa fille) afin de renaître. C'est plus délicat mais je pense que l'incendie dans la station chinoise évoque également la crémation.

Boudha, trop gros pour n'être qu'un hasard.

Conclusion


Comme toute interprétation, celle ci est sujette à caution. Et il faut bien entendu toujours prendre garde à ne pas tomber dans l'excès inverse à savoir la surinterprétation. Néanmoins, la position foetale, la référence au Gange ou le plan sur Boudha me semblent trop bien mis en valeur par la mise en scène de Curaon pour n'être que le fruit du hasard.
Mais alors, faut il s'inquièter si l'on n'a pas vu tout cela? Rassurez vous, pour moi, le film est superbe au premier degré et la caméra de Cuaron nous emporte comme rarement auparavant  Contrairement à une vision très française, les métaphores ne sont pas nécessairement faites pour transmettres des "messages". La puissance archétypale permet de nous impliquer d'avantage émotionnellement et ce, d'une manière inconsciente. La multiplication des symboles n'est pas là pour prouver une thèse mais avant tout pour assoir Ryan en héroïne mythologique qui raisonne en chacun de nous.




10 commentaires:

  1. Pas mal ! :)

    Je te fais un premier commentaire avec quelques corrections de fautes ^^ et puis ensuite un autre à propos du contenu de ton billet. Parce que bon, voilà, j'ai envie :D

    Les p'tites fautes (dans l'ordre du texte, c'est plus facile pour retrouver ses erreurs) :

    * "certains aspects pourront sembler tirer par les cheveux"
    => tirés, masculin pluriel

    * "ne vous étonnez donc pas si certains symbôles"
    => symboles, sans accent circonflexe

    * "Evidemment"
    => Évidemment. Oui je sais, les gens - et même des "pros" de l'écriture type journaux, médias... ont pris pour (mauvaise) habitude de ne pas mettre d'accents sur les majuscules. Ce qui constitue, outre une preuve de fainéantise et une faute de mauvais goût :p une faute d'orthographe ; en français, les accents - y compris sur les majuscules - ont pleine valeur orthographique.
    http://www.academie-francaise.fr/la-langue-francaise/questions-de-langue#5_strong-em-accentuation-des-majuscules-em-strong

    * "voyage dans l'Espace"
    => espace, sans majuscule. C'est le même mot pour espace (quel bel espace dans cet appartement !) et espace (le truc avec plein des étoiles et des aliens dedans !).

    * "Mais au delà"
    => au-delà, avec un trait d'union ;)

    * "une métaphore sur l'Evolution en général"
    => Évolution ^^ (oui, les accents, again :p)

    * "On en sait peu, mais il semble naturelle que ce soit une femme brisée qui n'a plus grand chose à perdre."
    => naturel (et non "naturelle")
    En outre, be careful - a little - bikause ta phrase rédigée ainsi, et le qualificatif "naturel", pourrait être perçus / analysés comme un propos sexiste : c'est une femme, ET DONC UNE MÈRE "naturellement" fournie avec l'instinct maternel, et tout aussi "naturellement" nulle, inutile et dévastée lorsqu'elle perd son enfant, ce qui est NATUREL pour UNE FEMME, parce que ce sont toutes DES MÈRES (et tu recommences le développement, avec la joie immense de regarder un serpent idiot se mordre la queue).
    Attention, je ne dis pas que c'est ce que tu dis, hein, mais que ça peut être interprété comme tel.
    Surtout sur internet. Où certains aiment chercher la petite bête. You see what I mean, hm.

    * "c'est dans le Gange qu'on répand les cendres de la crémation. de plus"
    => De plus (tu as juste oublié la majuscule après le point, t'as dû modif la syntaxe de ta phrase et oublier de faire la modif orthographique qui va avec ; ça m'arrive parfois ^^)

    * "au delà de la métaphore de naissance"
    => au-delà (idem que tout à l'heure, manque le trait d'union)

    * "faut il s'inquièter si l'on n'a pas vu tout cela?"
    => faut-il, manque le trait d'union.
    Dis voir, pour rester dans le champ psychanalytique de ton billet, tu sembles avoir un problème avec la notion d'union, et ses traits :D
    C'est fourbe l'inconscient, hein :p

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  2. À propos de tout ce que tu évoques d' "œdipien"...
    Alors, oui. Mais non. Pas tout à fait.
    Tu mélanges le schéma sexiste des archétypes parentaux, les archétypes parentaux eux-mêmes, et les problématiques oedipiennes. Ce qui n'est absolument pas "de ta faute", étant donné que les médias, des psychanalystes eux-mêmes, des "experts" en psychanalyse autoproclamés, et quelques courants féministes (ou du moins les mauvais élèves qui écoutaient distraitement au fond de la classe) racontent tout plein du caca / mélangent tout.

    Pour comprendre où "ça se mélange", et pourquoi, il faut revenir en arrière, aux racines (d'où le mot "radical", qui vient de "racine", beaucoup trop l'oublient en se projetant dans une fuite en avant militante au nom de la "radicalité").

    LE MYTHE D'OEDIPE

    Tu connais l'histoire, mais peut-être pas tous ceux qui tomberont sur ton billet, alors je la refais :p

    Oedipe est un brave gars, mais adopté. Il apprend un jour la vérité, le choc, et sans grande surprise part à la recherche de ses origines (oui, les figures mythiques font rarement dans l'originalité).

    En chemin, il rencontre un autre gars. Ils s'embrouillent, en mode caillera de cité antique quoi, et Oedipe tue l'autre gars. À l'époque, pas de tests ADN, Oedipe poursuit donc son voyage tranquille Émile, ou à peu près parce que déjà à l'Antiquité les meurtres ça faisait pas marrer tout le monde.

    Il arrive dans une grande ville, où y'a une reine. Un peu vieille, elle pourrait être sa mère, mais super bonne. Et riche, et puissante, parce que c'est la reine quand même. Le roi est mort, le poste est vacant, et Oedipe est au chômage. On l'embauche, il épouse la reine, c'est l'amour fou et les couv' de magazines People, ils ont d'adorables marmots, bref la belle vie. Ou presque, parce que bon, les riches aussi ont leurs problèmes.

    Et puis un jour : la cata. Mais pas la petite cata. La méga cata, la cata du siècle, le Tchernobyl de la cata :

    * le mec qu'Oedipe a tué y'a v'la le temps de ça, hé ben c'était son père - et accessoirement le roi, histoire de sinon c'est moins marrant

    * du coup : la reine éplorée et veuve qu'il a épousé, c'était la veuve de ce gars là, et donc c'est sa mère - haha

    * les magnifiques marmots qu'ils ont eu ensemble sont donc le fruit d'un inceste en lien direct - hohoho

    * il apprend que son funeste destin était tracé à l'avance : un oracle a révélé à ses (vrais) parents qu'Oedipe tuerait son père et épouserait sa mère, d'où leur décision de se séparer de l'enfant et de le faire adopter pour éviter la catastrophe - un authentique fail, il faut le reconnaitre

    * Oedipe, un peu bousculé par les nouvelles, se crève les yeux dans un accès de folie pour "ne plus voir ses crimes"

    Le mythe d'Oedipe est donc "traditionnellement" associé à :

    * le destin qui s'accomplit inexorablement, même si tu essaies d'y échapper (un anti-Ulysse en somme)

    * l'inceste / le parricide

    (la suite is coming, oui comme l'hiver *rire diabolique*)

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  3. ET LA PSYCHANALYSE DANS TOUT ÇA ?

    Freud, qui était un mec sérieux rappelons-le, neurologue quand même - et pas juste un hurluberlu ou un charlatan trop chargé à l'opium - croit comprendre en observant ses contemporains, et ses patients, que "tout n'est pas biologique" (balaise pour un neurologue, ben si). Il y a manifestement des processus psychologiques à l'œuvre.
    Mais quels sont-ils, sacré nom d'une pipe en bois, se demande Freud, parce que c'est le genre de mec qui réfléchit beaucoup et se pose un tas de questions.

    Il investigue, pas des masses d'ailleurs, son truc c'est plutôt le raisonnement intellectuel que l'expérimentation (sauf en neuro, où là évidemment il faut découper des bouts de gens, vivants ou morts, de temps en temps), et fonde un nouveau champ de recherche, une nouvelle théorie des processus mentaux, et une nouvelle thérapie (oui, tout ça en même temps - quand même, hein. D'où quelques cafouillages, parce que bon, c'est pas simple tout ça) : la psychanalyse.

    Comme dans toute discipline, surtout les nouvelles, il lui faut des "images", des symboles, des références, environ communes pour faciliter la compréhension par autrui. La mythologie, mais pas que, est alors une bonne source d'inspiration.
    Et Oedipe en particulier, parce que les psys, plus c'est trash et plus ça les fait loliloler. Oedipe, niveau trash, il se pose là. Pour faire pire, il faut aller chercher du côté de Chronos, ce qui n'est pas rien pour qui connait la réputation du bonhomme.

    Bref (haha, je blague évidemment :D), Freud fait référence à Oedipe.
    POUR QUOI FAIRE ? DANS QUEL CONTEXTE ?

    Freud remarque que chez les enfants (à son époque, dans une société sexiste, et accessoirement bourgeoise, c'est toujours utile de rappeler le contexte de la fondation de disciplines ou théories), il se passe un drôle de truc :
    - les petites filles veulent épouser leur papa, et/ou manifestent de l'agressivité voire de l'hostilité envers leur maman
    - les petits garçons veulent épouser leur maman (ou exigent un accès direct et illimité à leurs nibards pour "boire le lolo", par exemple) et/ou manifestent de l'hostilité voire de l'agressivité envers leur papa.

    Ce qui rappelle quand même fortement l'histoire d'Oedipe, même si en général ça ne finit pas dans un bain de sang ni avec des yeux crevés (ah ben sinon on ferait moins de gosses, c'est sûr).

    Par ailleurs et en outre, Freud se dit, environ, ceci :
    le père (d'Oedipe) aurait pu empêcher le drame s'il avait été présent (et non mort, m'enfin c'est pas comme si il avait fait exprès de mourir) ou s'il avait été assez fort pour repousser / mettre une bonne raclée à son fils.

    De là, Freud (et/ou ses collègues et successeurs, il n'a pas fait tout le boulot tout seul non plus, y'en avait même qui n'étaient pas d'accord avec lui) définit le rôle du père, ou - pour être tout à fait précis parce que c'est pas tout à fait complètement pareil : la fonction paternelle.
    Fonction paternelle qui est : s'opposer à l'enfant, lui fixer des limites (notamment son envie d'épouser maman, de lui sucer les mamelons ou de débarquer dans son lit quand ça lui chante, par exemple), et grosso merdouillo : faire barrage à l'inceste (et à la cata version Tchernobyl).

    La référence / le rapport à Oedipe s'arrête là. Juste là.
    Après, les archétypes parentaux, la fonction paternelle en elle-même, si c'est genré ou pas, sexiste ou non, c'est aut' chose.
    Mais CE N'EST PLUS OEDIPIEN, à proprement parler.
    C'est pourquoi "tu t'égares" quand tu parles de problématiques oedipiennes, alors qu'en fait tu évoques plutôt des problématiques d'archétypes parentaux (hétéro-normés).

    (la suite is coming, again. Oui, j'ai plein de trucs à dire ^^')

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  4. LA FONCTION PATERNELLE / LES ARCHÉTYPES PARENTAUX

    Comme je disais, la "fonction paternelle" (qui est sensiblement différente du concept de rôle du "père", parce que le père est long d'être le seul à pouvoir remplir cette fonction paternelle, ce dont je m'apprête justement à te parler :p) consiste en gros à poser des limites au gamin, et ne pas satisfaire à toutes ses volontés, désirs ou exigences.

    Autrement dit, parce que pour bien comprendre il faut le dire autrement : la fonction "paternelle", dans l'idéal freudien, c'est *uniquement* une fonction de "séparateur" : il s'agit de séparer la mère et l'enfant, enfant duquel la mère n'arrive pas toujours à se détacher toute seule en raison du fort lien qui l'unit à lui (lien d'autant plus fort que le rôle de mère sera socialement valorisé - ah ben ça alors, c'est justement le cas depuis des centaines d'années. Hourra. Non, je déconne, c'est pas hourra du tout.)

    Est-ce que c'est sexiste, ce fameux "complexe d'Oedipe", et le concept de "fonction paternelle" qui en a - vaguement - découlé ? (mais qu'il ne faut pas confondre avec le complexe d'Oedipe en lui-même)
    Si on le prend "bêtement" au pied de la lettre oui. Alors qu'en fait, non.

    Non, parce que les phénomènes que décrit Freud / la psychanalyse sont valables dans tous types de configuration (occidentales tout du moins, tout le monde ne s'accorde pas à dire que la psychanalyse est universelle, loin de là, étant donné qu'elle est éminemment symbolique et donc culturelle. Et puis sinon l'ethnopsychiatrie n'existerait pas, hein), contrairement à ce que prétendent certains réacs type Manif pour Tous :
    * fille => mère
    * fille => père
    * fils => mère
    * fils => père
    et ce que les parents soient en couple, hétéro ou homo, ou même célibataires.
    Y'a même parfois des gamins qui ne "s'attachent" à personne (et c'est la plupart du temps pas très bon signe, du reste. Dexter vous en parlerait bien mieux que moi).

    Ainsi, le fameux "Oedipe inversé" qui concernerait les homosexuel-le-s est une vaste fumisterie : il y a complexe d'Oedipe ou non, "résolu" ou non, quels que soient les protagonistes conviés dans l'affaire. Le genre n'a absolument rien à voir là-dedans, et ce n'est pas parce qu'un complexe d'Oedipe concernerait un petit garçon et son père ou une petite fille et sa mère que l'Oedipe est "inversé" : il est uniquement "inversé" par rapport à la distribution automatique sexiste en genrée des rôles parentaux, mais il n'est pas "inversé" en soi : ce sont les mêmes problématiques et attachements, et difficultés parfois, qui se jouent.
    En plus chiant, si l'entourage ou les psys du coin commencent à déverser leur homophobie là-dedans. (plus on est de fous, plus on rit. Oui, ben pas toujours, en fait)

    (c'est presque fini, courage :D)

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  5. Quoi ? La fonction paternelle n'est pas l'attribut du papa bricoleur fan de tuning et de foot avec la main un peu lourde les soirs de match-et-bières ? Mais comment est-ce possible vous demandez-vous ? (si, vous vous le demandez, avouez)

    Eh ben parce que comme je viens de l'expliquer succinctement (si, c'est succinct. Vous devriez lire les pavés de psychanalyse publiés pour vous en convaincre) il n'est pas question de genre masculin / féminin là-dedans.

    Ce que Freud décrit, c'est décrit en version "famille nucléaire hétéro" parce que c'est le contexte de l'époque (et encore le notre dans la plupart des cas, ce qui n'est pas un mal, c'est pas comme si il fallait interdire les couples hétéros ou les familles nucléaires non plus - hein), mais fondamentalement, ce dont il parle, c'est un attachement particulièrement fort entre l'enfant et un de ses parents (voire les deux), ou envers la personne qui s'occupe de lui (maitresse, instituteur, nounou, médecin, entraineur, voisine, parents adoptifs, éducateur...), un attachement tout à fait "normal" ; mais malsain s'il perdure trop longtemps, et/ou se manifeste de façon trop intense, car il "trouble" le développement de l'enfant, et la vie (intime, de couple, et/ou professionnel, social) du parent (ou proche) objet de cet attachement.

    Il faut, et l'image est parlante MAIS MALADROITE car elle focalise le processus sur la mère : "couper le cordon" ombilical.

    Cette fonction de séparateur, de "coupure", de pose de limites, peut s'incarner à travers le père, mais aussi la mère, quelqu'un d'autre, et peut même se manifester à travers des objets ou des activités :
    ainsi, une mère ou un père qui est au tél ou devant son PC ou sa console, ou au boulot, bref occupé à faire aut'chose qu'à s'occuper de son gamin,
    et qui ne répond pas systématiquement à ses demandes (voire exigences),
    et qui pose des limites notamment physiques à certains rapprochements (la tétée à 5 ans, est-ce bien nécessaire ? se glisser à l'envi dans le lit conjugal, est-ce bien... bien ?),
    assurent concrètement la "fonction paternelle".

    L'erreur de Freud, de la psychanalyse, a été de croire ou de laisser croire que ces rôles, ces fonctions parentales, ces attachements, dynamiques et conflits oedipiens, étaient "genrés", or ce n'est pas le cas.
    Mais c'est pas super complètement de la faute de Freud, hein, c'était un mec pas particulièrement au fait de l'actu antisexiste de l'époque, faut bien l'admettre. Il n'a fait que décrire et interpréter ce qu'il avait sous les yeux, et comme la majorité des gens, et de sa clientèle, étaient hétéros, bon ben voilà. C'est juste un effet "statistique", ça ne signifie aucunement que Freud ou même la psychanalyse imposent une répartition genrée des archétypes parentaux.

    Voilà, ça y est j'ai fini ^^'

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  6. Ah non, j'ai pas fini !
    haha ^^

    Du coup, conclusion (ben oui) :
    ton article, bien, mais revois / reformule éventuellement ces passages, où mythe d'Oedipe, problématiques oedipiennes niveau psychanalyse, concept de grossesse / naissance / maternité, et archétypes parentaux s'emmêlent un peu les pinceaux :

    "Ainsi, Ryan est une Oedipe ou Boudha métaphorique (rôle dévolu traditionnellement à des hommes donc) et l'archétype maternel est présent mais pas forcément là où on l'attend.
    (...)
    Oedipe et les archétypes parentaux
    (...)
    La métaphore oedipienne est sans doute celle qui nous parle le plus tant elle est râbachée dans nos sociétés. De plus, elle est profondément liée à la partie purement physiologique de la naissance.
    (...)
    L'archétype paternel incarne ici autorité, ineluctabilité et violence contre laquelle Ryan doit se rebeller. Vous ne devinez pas? Le père dans Gravity c'est la catastrophe ; ce sont les débris qui fécondent littéralement Ryan."

    Voilà :)
    Et bisouilles, évidemment !

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  7. Merci pour cet article très intéressant, j'ai pris beaucoup de plaisir à le lire :)

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  8. Interprétation très vraisemblable. Les "signes" que tu vois dans le film y sont sans doute, à dessein. Mais ils ne font pas sens, ils ne sont pas ordonnés de façon à ouvrir notre esprit sur une quelconque réflexion, il n'y a aucune puissance de dévoilement dans ce film, paradoxalement très terre-à-terre. Bref, ce sont des colifichets, des babioles accrochées là pour faire "authentique", pour faire "savant", pour tenter de parler à un inconscient collectif tellement vaste (le public mondialisé, cible habituelle des films américains) qu'ils ressemblent en fait aux étiquettes "fabrication artisanale" qu'on trouve sur les souvenirs des échoppes d'aéroport...

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  9. //Bonsoir, je viens de poster cela sur Facebook, et l'un de mes amis m'a mis votre lien en commentaire.
    //la boucle est bouclée...


    Gravity ou le double sens de la maieutique

    Sorti de la projection du film d'Alfonso Cuaron il y a trois ans, j'en avais eu une interprétation assez personnelle car personne d'autre ne semblait la partager. Lundi dernier, TF1, première chaîne culturelle de France, m'a donné l'occasion de soumettre ma première lecture à un deuxième filtre: celui qui s'associe au temps qui passe et aide les émotions de l'instant à sédimenter.
    Et je maintiens qu'après ce nouveau visionnage familial, Gravity doit se vivre comme une double métaphore de l'accouchement.
    Sceptiques, intrigués ? Lisez la suite.
    Elles sont mortes; sa fille de quatre ans au sens propre et elle avec, au figuré. Elle erre dans l'espace stérile et hostile et enchaîne des gestes mécaniques. Il ne se passe rien. Lui en orbite, veille et réconforte. Elle est l'objet de son attention.
    Il est la sagesse et plaisante. Elle a la nausée et tremble. L'air artificiel de son scaphandre la conserve dans une stase intermédiaire. Elle ne réfléchit pas. Elle respire, juste.
    En silence, dans le vide Infini, sans but.
    Soudain, une pluie de débris vient violemment ensemencer le film qui prend alors un ton de survival movie. L'objectif est clair: il faut revenir sur terre, à air libre.
    Le vaisseau mère explose sous les projectiles et la force à chercher un nouveau refuge dans une autre station; L'ISS en l'occurrence. Elle y arrive, guidée par le sage homme accrochée par un cordon vital. Elle est sauvée, provisoirement, grâce à son sacrifice. A l'intérieur, repliée sur elle même devant un hublot à la lumière rose et jaune, elle nous offre une magnifique position foetale, en apesanteur; c'est trop évident, même pour ceux qui avaient encore jusqu'à ce moment, l'impression de regarder un film d'aventure lambda.
    Mais l'action vient de nouveau perturber cette fragile tranquillité et l'oblige à s'extraire de l’ISS en utilisant la poussée d'un extincteur. Elle pousse, souffre et hurle pour atteindre ce qui sera son deuxième et dernier véhicule de survie.
    Grâce à mes analogies subliminales et subtiles vous commencez à vous rallier à ma thèse: c'est bien d'une renaissance dont il s'agit. Elle est enceinte et va accoucher d'elle même.
    Alors pourquoi poursuivre la lecture ? Parce-que la suite de cette maieutique spatiale va nous donner à y voir son deuxième sens, philosophique.
    S’éjectant de l’ISS, elle se propulse, toujours avec son extincteur, vers une station chinoise voisine.
    A l’intérieur, alors que la station est manifestement entrainée par la gravité terrestre, c’est la panique. Notamment parce que (et l’on ne peut en vouloir au Chinois) toutes les commandes sont représentées par des idéogrammes; elle est perdue, crie et hurle comme un loup régressant au stade d'animal -gravide- et prête à l’accouchement de connaissances enfouies. Elle a une vision: il revient s’installer à côté d’elle et lui fait prendre conscience qu’elle sait. Il est juste là le deuxième sens de la maïeutique: exprimer un savoir caché en soi. Non pas qu’elle redécouvre qu’elle sait interpréter les idéogrammes, mais qu’elle peut deviner la signification des commandes par leur emplacement sur le tableau. C’est beau.
    Et utile, car cela lui permet de désarrimer la capsule du vaisseau principal qui va se désintégrer pendant qu’elle traverse l’atmosphère dans son cocon placentaire métallique qui finit sa course dans l’eau. On passe alors de l’air artificiel au liquide amiotique. Elle en émerge, nage à travers les algues et dans un mouvement libératoire prend sa première bouffée d’air. Elle rampe sur la berge au sable cuivré et se relève, fébrile, quasi nue, vivante.



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