mardi 13 août 2013

Le scénario de Pacific Rim


Pacific Rim est sorti il y a maintenant plus d'un mois et disons le franchement, n'a pas marché aux Etats-Unis. En revanche, le score au box-office mondial est loin d'être négligeable, ce qui en soit est une double bonne nouvelle. La première, c'est qu'il y aura sans doute une suite, et la deuxième c'est que le ton du film restera "mondial" avant d'être ouvertement pro-américain comme tant d'autres blockbusters. Cet article s'adresse à ceux ayant vu le film.


Préambule

J'ai constaté en majorité deux types de réactions face au film. Ceux qui n'ont pas aimé à cause du scénario, et ceux qui ont aimé je cite "malgré le scenario". Ainsi la querelle semble se résumer à ceux qui voient dans le cinéma un "Art majeur et pas un vulgaire divertissement" et les autres pour lesquels le film est trop jouissif et qu'"il ne sert à rien de se prendre la tête". Désolé, mais pour moi, les deux approches sont fondamentalement fausses, car le scénario de Pacific Rim EST excellent.

Mais je dois commencer par redéfinir proprement ce qu'est un scénario. Selon le Larousse c'est un

Document écrit décrivant le film qui sera tourné.
Plus précisément, le scéario est un document écrit (à la différence d'un story board par exemple- décrivant l'enchaînement des séquences d'un film et ses dialogue. Il contient des indications sommaires sur le décor et parfois quelques indications de mise en scène. Pour moi, le scénario est le squelette d'un film, ce qui fait que ce dernier tient droit et ne s'écroule pas. 

Or, beaucoup condondent en réalité scénario et histoire. L'histoire est incluse dans le scénario mais on peut avoir un mauvais scénario et une bonne histoire, tout comme un bon scénario et une histoire banale. Dans le premier cas, je pense à un film comme A Beautiful Mind ( en français, Un Homme d'Exception) de Ron Howard. Si l'histoire de John Nash, mathématicien de génie et shyzophrène ayant vaincu sa maladie est passionnante à suivre dans le contexte de la guerre froide, le scénario est bien trop académique et flirtant avec les bons sentiments pour véritablement en faire un grand film.

A contrario, Les Dents de la Mer possède un scénario extrêmement bien ficelé qui sait ménager l'attente et l'action pour tenir le spectateur parfaitement en haleine malgré une histoire qui tient sur un ticket de métro (un dangereux requin menace une petite plage paisible).

Ainsi, une histoire simple peut avoir un scénario extrêmement travaillé qui vise avant tout l'efficacité narrative.

Bonne histoire/Mauvais scénar et vice versa


Une histoire originale

Mais revenons à nos moutons, on a tendance à l'oublier mais le scénario de Pacific Rim est entièrement orginal. Le scénario doit donc accomplir le tour de force de nous présenter un univers crédible assez rapidement afin de plonger plus en profondeur dans l'histoire.De plus, le film a donc un début, mais aussi une fin. Si j'aimais beaucoup les fins ouvertes il y a quelques années car elles faisaient appel selon moi à l'intelligence du spectateur, force est de constater que ces derniers temps, les fins ouvertes ne sont qu'un appel du pied pour une suite éventuelle. Ainsi, contrairement aux films de Superhéros, le film n'a pas en soutien tout un background mythologique pour facilier l'exposition, c'st essentiellement le rôle de l'introduction.

Je pense que l'introduction du film est certainement l'une des plus brillantes de l'histoire du cinéma. En 12 min top chrono, on nous présente notre monde modifié,  la première attaque de Kaïjus, le désarroi, comment on trouve un moyen de les combattre, le fait qu'ils font partie de la pop-culture, leurs défaites, un héros, le concept de drift, et enfin comment ils reviennent en force pour finalement faire tomber le héros. Cet intro est quasiment un film dans le film et on aurait certainement pu faire un film de deux heures seulement sur cette base. Et je suis également prêt à parier que le public aurait salué cette fin époustouflante où "Waw, mais c'est dingue, le héros tombe à la fin, ON VEUT LA SUITE". Ben non les amis, Guillermo choisit de commencer le film à cet endroit et c'est déjà une prouesse scénaristique. Le petit résumé au dessus si vous êtes amateur est quasiment le pitch d'un film catastrophe lambda (calme, découverte de la menace, riposte, succès, puis fin tragique). 
En réalité, Pacific Rim fonctionne un peu comme un numéro 2 ou 3 d'une trilogie.
 On ne vous dit pas à base de psychologie de supermarché comment des individus lambda vont devenir des héros puisqu'ils le sont déjà. De même la menace est claire et n'a pas non plus besoin d'explication à la mord-moi-le-noeud.

Les personnages

On a beaucoup glosé sur l'aspect caricatural des personnages. En réalité, Pacific Rim n'est pas un film où il y a un seul héros mais au minimum 3. Des mots même de Guillermo del Toro, c'est un film choral.     Ce genre de film est difficile à analyser car contrairement à l'archi-majorité des films actuels, l'identification est multiple. Si une série peut se permettre de décrire un ensemble de personnages avec une vraie finesse et des enjeux pour chacun d'entre eux, la durée d'un long métrage rend cette tâche quasi-impossible sans paraître ridicule. C'est pour cela que les personnages sont archétypaux, car en réalité, l'identification opére avec tous les protagonistes. Je trouve que Pacific Rim ressemble à Babel d'Inarritu. Les deux films sont réalisés par un mexicain et mettent en scène la superbe Rinku Kakuji (Mako). Dans Babel, les histoires de chacun des personnages sont indépendantes mais semblent reliés par un lien invisible. En tant que spectateur, nous sommes amenés à la fin du film à ressentir cette communion d'esprit à l'échelle mondiale et contrairement à Transformers, le but n'est pas de mettre des quotas pour que chacun se retrouve.

Rinko Kikuchi dans Babel d'Inarritu

Dans Pacific Rim, c'est exactement la même chose. Nous sommes en réalité tous les personnages, Mako, c'est la féminité et l'enfance perdue, Raleigh, la perte de l'être cher, Pentecoste, l'autorité. Mais aussi une certaine arrogance et la relation paternelle chez les pilotes néo-zélandais, une intelligence brillante et imbue d'elle même (le geek biologiste) et l'autre autiste (le physicien). Chacun est une partie de notre personnalité!
Le drift et le pilotage de Jaegers est une métaphore du film lui même qui nous fait pénétrer l'esprit de tous les personnages qui ne font plus qu'un!
D'ailleurs, rarement l'identification n'a aussi bien fonctionnée que dans ce film. A la sortie du film, beaucoup avaient envie envie de drifter et de piloter un Jaeger pour buter des Kaijus.

Les multiples influences

Mobile Suit Gundamn/Pacific Rim/ Gozilla (Vulture)

Pacific Rim me fait un peu penser à Matrix dans sa capacité à mélanger des influences variées de la culture geek. Dans les deux cas, il s'est trouvé les même geeks prépubères (avec 15 ans d'écart) pour cracher dessus. "De toute façon ils ont tout pompé sur Evangelion" is the new "De toute façon, ils ont tout pompé sur Ghost in the Shell". Rapellons que Pacific Rim crée un univers crédible avec ses propres règles à partir de rien. 
Il mélange de manière cohérente les films de monstres japonais, les animés de méchas et le cyberpunk dans sa relation homme-machine. 
De plus, et c'est très important, rarement la culture d'origine n'a été autant respecté. Casting international (japonais, américains, néo-zélandais), film basé à Hong Kong, et surtout personnages qui s'expriment en Japonais! à plusieurs moments clés. Pour aller plus loin dans le côté multiculturel et féministe du film, je recommande cet excellent article (en anglais).

Pourquoi Pacific Rim est différent d'autres blockbusters

Vous avez remarqué comment dans des blockbusters récents, le méchant était capturé à peu près au premier tiers du film? Et que c'était en fait "All part of the plan" ( à pronconcer avec la voix du Joker version Ledger)

Le gang des méchants qui se font arrêter exprès."Tout est calculé"

En réalité comme l'a bien expliqué Slate dans l'article suivant, les blockbuster sont de plus en plus formatés selon la recette d'un certain Black Snyder. Alors, on ne va pas se mentir, Pacific Rim obéit aussi à des passages obligés du manuel de Snyder. Mais il arrive à nous surprendre en étant malgré tout assez habile. 

Je l'ai déjà dit : 

  • C'est un film choral, pas avec un seul héros.
  • La structure est intéressante à cause de cette longue intro
  • Le film est multiculturel et pas ouvertement pro-américain


Mais aussi :

  • Si il était prévisible que Pentecoste meurt à la fin, il l'était beaucoup moins que le jeune pilote orgueuilleux aussi. Généralement, c'est le héros qui meurt et le type orgueuilleux qui se repentit lors d'une scène d'enterrement absolument poignante.
  • Il n'y a pas d'histoire d'amour. Bien sur, la relation Mako/Raleigh est très forte mais ce peut très bien être de l'amitié.
  • Les geeks ont un vrai rôle à jouer, prennent part à l'action et ne se content pas d'un moment Eurêka comme dans plein d'autres films. 

Je ne peux pas lutter contre une impression, si le film ne vous a pas captivé et que vous avez trouvé les personnages creux, je n'y peux rien. En revanche, si vous me dites que le scénario est mauvais et hyper cliché, j'espère vous avoir, un peu, convaincu du contraire.

Pour aller plus loin 

Les articles en lien tout au long de l'article.



L'article de Slate du Snyder. A ne pas confondre avec le réal de 300.

Je pense que ma vision est très influencée par Rafik Djoumi, un passionné de ciné assez atypique en France. Si vous ne le connaissez pas, googler son nom, y a vraiment plein de trucs.







Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire