vendredi 12 avril 2013

La performance capture ou le maquillage parfait.

Cela faisait un petit moment que je voulais m'exprimer sur le sujet, en guise d'introduction, je vous invite à regarder la petite publicité ci-dessous.



Cette publicité pour une marque de chocolat a utilisé comme beaucoup avant elle un personnage issue de la culture populaire, à savoir ici Audrey Hepburn. Mais là où c'est extraordinaire, c'est qu'Audrey Hepburn n'a jamais tourné cette publicité, ce n'est pas non plus un sosie mais une reconstitution du visage de l'actrice en image de synthèse. L'ensemble est si bluffant que les journalistes du Figaro se sont trompés. On y reviendra.


Performance capture, c'est quoi?


Mais avant tout, un petit retour sur la performance capture est nécessaire. Cette technologie est considérée par un petit nombre comme la futur révolution du cinéma. Et parmi eux, Spielberg, Cameron ou Ficher, pas des petits joueurs donc. Beaucoup plus que la 3D par exemple dont qu'on essaie de nous refourguer de force depuis quelques années quand bien même c'est une "innovation" qui remonte à la création du cinéma.
Elle consiste à placer des capteurs sur l'ensemble du corps ET du visage de l'acteur afin de retranscrire non seulement ses mouvement mais aussi sa performance au sens américain du terme, c'est à dire son jeu/son expressivité.


Jamie Bell est Tintin dans le film de Spielberg.
 Remarquez les points sur son visage.

Le premier film réalisé avec cette technologie était le Pôle Express de Robert Zemeckis puis Beowulf du même Zemeckis. Productions très moyennes il faut le dire. Puis est arrivé le film qui l'a enfin révélé au monde : Avatar. On peut critiquer l'aspect trop lisse des Navi's (car la technologie n'est pas encore tout à fait arrivée à maturité), mais il aurait été impossible d'imaginer Avatar sans performance capture. Intégrer des personnages 100% issues de l'animation dans des films à prises de vue réelle est souvent désastreux, il n'y a qu'à voir le Jar Jar Binks de Star Wars, complètement inexpressif. Les meilleurs animateurs peuvent reproduire des détails bluffants, mais le jeu humain est sans conteste le meilleur vecteur possible d'émotion.

Puis il y a eu Tintin, encore une fois, il fallait la performance capture pour recréer cet aspect à la fois cartoon et ultra-expressif des visages. Mais de nouveau, on se retrouvait dans un film de genre, ou d'animation, et la plupart des critiques voyaient alors naturellement la PC devenir un gadget pour productions très particulières. Je suis pour ma part persuadé qu'elle a des utilités insoupçonnés.

Dans la publicité Galaxy du début d'article, les réalisateurs ont d'abord recruté une actrice dont le corps et le visage était proches d'Audrey Hepburn, puis, ils ont reconstitué le visage de l'actrice défunte avec une sorte de maquillage numérique.


Virtualité?


Beaucoup on été choqués par cette publicité, si je peux comprendre qu'utiliser l'image d'idoles du passé décédées à des fins mercantiles puisse déranger, je ne vois aucune objection au fait que l'actrice ne soit pas "réelle". Mais pour cela, un petit retour sur ce qu'est le cinéma s'impose. Lorsque vous voyez un acteur au cinéma, il n'est pas là présent dans la pièce. Il ne s'agit que d'une reproduction chimique projetée sur un écran. Alors certes vous me direz que l'acteur a vraiment joué la scène en question. Depuis l'invention de la couleur, les studios sont habitués à triturer l'image. Saturation, luminosité, filtres, etc...L'image de l'acteur que vous percevez au cinéma n'a déjà plus rien à voir avec celle qui était lors du tournage. Si on ajoute à cela le maquillage, les prothèses et autres accessoires, au cinéma, l'acteur s'efface déjà grandement derrière le rôle. Dans un film comme 300 par exemple, l'image archi-travaillée de Snyder n'a déjà plus rien de "réelle".

Mais si cela ne suffisait pas, je vous propose de regarder ce petit montage sur les effets spéciaux dans Avengers. Vous verrez que les acteurs "réels" sont en en fait souvent des images entièrement crées en image de synthèse.






Qu'en conclure?


Que l'image cinéma EST virtuelle par nature. Que ce soit de la pellicule, des images de synthèse ou de l'animation en 2D, le but n'est pas de chercher le réalisme, mais la sincérité des sentiments. Woody Allen et Spielberg ont exactement les même buts, il y parviennent juste par des moyens différents.

La performance capture est une révolution car elle remet l'acteur au centre du dispositif, et elle abolit les frontières entre cinéma intimiste et super production hollywoodienne. Dans les deux cas, les répétitions et tournage ressemblent d'avantage à du théâtre qu'au processus contre-intuitif d'un film (où l'acteur joue très souvent face caméra, sans partenaires).


Le futur


Je comprends que la performance capture fasse peur. Car potentiellement, elle peut détruire le culte de l'apparence physique qui est la pierre angulaire du star-system depuis au moins un demi-siècle. Dans ce dispositif, un acteur laid pourra incarner un apollon et vice versa! Il sera possible d'incarner des animaux, monstres etc...avec une expressivité que le maquillage seul briderait à coup sur.

Mais allons plus loin puisque le physique n'a plus d'importance. Dans le Seigneur des Anneaux, Elijah Wood incarne un hobbit mais ne pourrait on pas imaginer des acteurs nains comme l'extraordinaire Peter Dinklage jouer James Bond? (cf un excellent article de Slate). Ou encore un Noir jouant un Blanc, ou l'inverse?

J'espère que cette publicité fera prendre conscience aux aigris que seule compte l'émotion, l'empathie, la beauté, et ce peu importe comment elles sont atteintes.




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire