Où je parle de l'excellent Margin Call, film sur la chute d'une banque d'investissement au casting prestigieux (Kevin Spacey, Demi Moore, Zachary Quinto et Jeremy Irons...entre autres). L'article ne vous gâchera pas la vision du film, donc si il peut vous convaincre, c'est tant mieux!
Margin Call, en Français, appel de marge. C’est le signal
envoyé par le broker au trader dont les pertes potentielles excèdent de trop
ses fonds propres. Le titre du film donne le ton, le film n’est pas forcément
accessible aux non initiés et la plupart des spectateurs resteront
malheureusement sur le carreau. Il y a d’ailleurs eu quelques sortants à la
séance à laquelle nous assistions…
C’est bien dommage car on se trouve sans doute face au
meilleur film de fiction sur la finance de marché. Il semblait impossible de
rendre compte de ce monde d’une incroyable tension et violence sans faire appel
aux mythes. Dans Wall Street, c’est de Faust dont il s’agit, le jeune Charlie
Sheen conclue un pacte avec l’impitoyable Gordon Gekko. Trader avec Ewan Mc
Gregor convoque plutôt Icare, sempiternel schéma d’une ascension trop brutale
et rapide pour ne pas aboutir à la chute. Ces films avaient en communs deux
points, faire appel à l’image du trader-qui raisonne immédiatement dans
l’inconscient collectif- et compenser la sobriété d’un monde fermé par une
débauche de mise en scène un brin tape à oeil (mais bon ça reste Oliver
Stone !).
De quoi ça parle ? Un jeune analyste en risque découvre
que son floor tient des positions beaucoup trop volatiles depuis une quinzaine
de jours. En gros, elle a investit dans des actifs toxiques dont il faut se
débarrasser au plus vite au risque de faire tomber la banque tout entière. Le
film fait le récit d’une nuit, où seront tour à tour convoqués les cadres de la
compagnie, jusqu’à un truculent Jeremy Irons, avatar à peine surjoué de Dick
Fuld, l’ex PDG de Lehman.
Le film décrit des scénettes à 2-3 personnages. Il ne
comporte aucune musique, fait assez rare pour être souligné et faire la part
belle aux dialogues et à leurs interprètes. Le casting est prodigieux, mais se
veut une mise en abîme du film lui même. Il rassemble à la fois des figures du
cinéma un peu has-been (Demi Moore, sexy et tragique à la fois ; Kevin
Spacey avec quelques kilos en trop ; Jeremy Irons, ridé) dont la carrière
fait écho à celle de leur personnage qui se retrouvent un peu au crépuscule
d’un monde. Et de l’autre des acteurs de télévision tel le Mentaliste de la série éponyme ou Sylar d’Heroes extrêmement
prometteurs mais semblant avoir les épaules trop frêles pour la tâche qui leur incombe. D’ailleurs impossible de me souvenir de leurs noms.
Si la mise en scène est discrète, elle n’en est pas moins
présente. Les jeux d’ombres et de lumières (très beaux clairs obscurs) mettent
en valeur les personnages et rapports de force. C’est aussi l’usage des décors,
la voiture de Paul Bettany traverse un pont, édifice public par excellence,
lorsqu’il évoque les liens entre la finance et la vraie vie. Une maison en
pierre pour les regrets de l’ingénieur, ou encore la tour, véritable château
fort, dont chaque étage amène un nouveau boss. Comme dans les jeux vidéos, le
bad guy final arrivera par les airs.
J’ai commencé à l’évoquer, mais le film permet ainsi le tour
de force d’évoquer la quasi-majorité des problématiques de la finance actuelle.
Ces personnes ne sont pas des demi-dieux, juste des hommes. Et aucun d’entre
eux, même les plus terre à terre ne peuvent refuser les sommes qu’on leur
propose. Non pas par pur ensorcellement tel des conquistadors aveuglés par la
lumière de l’or. Non. Ce sont des gens qui ont achetés une très belle maison,
qui doivent marier leur fille, payer les études du petit dernier. Et une fois
un certain niveau de vie atteint, on ne peut plus faire marche arrière. Même le
jeune analyste qui semble le plus sain de tous l’explique : « les
équations liés aux variations des actifs sont les même que ceux des
trajectoires balistiques, mais sauf votre respect, elles rapportent beaucoup
plus ». Ce n’est qu’un des nombreux thèmes incarnés par les personnages.
Citons en vrac, l’implication dans le monde réél, la violence des
licenciements, l’incompréhension croissante des produits complexe à mesure
qu’on avance dans la hiérarchie, le spleen de la virtualité etc… Et pour une
fois, les traders ne sont pas mis à l’honneur, ou plutôt ce seront eux les
petites fourmis anonymes qui déboucleront les positions risquées, pour le
meilleur…ou le pire.
Que dire d’autre (et j’en ai déjà dit beaucoup) si ce n’est,
armez vous de courage si vous êtes néophyte, et allez le voir ! Le film
peut très bien se regarder en plusieurs fois, en sectionnant chaque dialogue
pour le comprendre à fond, bénit soit l’utilisation du chapitrage en DVD.
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